Valentine disparue

Valentine disparue

Acrylique et feutre sur papier, 30 x 40cm

Un gros silence s’était installé. Le gendarme restait assis dans un coin de la pièce et un calme embarrassant accompagnait ses pensées. Malgré les stores baissés, la gendarmerie devenait une vraie fournaise. Mon cœur était lourd et ma vue se brouillait sous mes larmes. Les minutes tombaient lentement, les unes après les autres. C’était comme l’écoulement d’un siècle. Puis le gendarme se mit à faire craquer ses phalanges. Alors je lui ai tout raconté et le gendarme releva la tête pour m’écouter.

– Voilà monsieur, c’est une incroyable histoire ! Valentine a disparu dans les nuages du ciel ! Nous avions occupé la villa pendant un mois. Il était onze heures du matin et j’avais le sentiment que Valentine ne voulait plus continuer. Nous étions en train d’achever la décoration du porche d’entrée et mon amie fredonnait une jolie chanson. Une mélodie douce et désespérée. Avec un pinceau, elle avait fait une marque sur mon front et sur mes joues mais je sentais que nous étions arrivés au terme de notre parcours. J’avais le sentiment que nous n’allions plus nous revoir. Je m’emplissais les yeux de son joli petit sourire mais une voix secrète lui demandait de partir et elle allait devenir un oiseau soulevé par le souffle du ciel. Elle voulait vivre une existence aérienne et mes larmes coulaient sans cesse. Dans notre monde sacrifié, bousillé, il n’y a que lui, L’OISEAU qui palpite et qui vole, sans sommeil, d’un monde à l’autre et tout lui est accessible divinement, prodigieusement ! Valentine était devenue un être inexplicablement léger avec d’élégantes ailes. Elle quittait la complexité du réel et se libérait du fardeau trop lourd de son corps. Je fermais les yeux parce que voir est un piège et le réel mutile le rêve et nous empêche de rêver éternellement…

– Bon, jeune homme, lorsqu’une personne majeure qui fait partie de votre entourage disparaît, une enquête peut être ouverte par nos services. Pour ce faire, la disparition doit être considérée comme inquiétante. Toutefois, c’est surtout votre attitude qui me paraît inquiétante. Souffrez-vous de troubles mentaux…?

– Même s’il y avait parfois des désaccords et des conflits, nous étions liés de front sur notre projet. Nous voulions lutter contre «l’uniformisation du monde» et «cette terrible vague qui menace d’emporter avec elle tout ce qui est coloré, tout ce qui est particulier dans notre vie.» Ce qui m’inquiète surtout, c’est les deux gros oiseaux qui étaient venus la chercher ! Un noir et un rouge ! Je pense qu’elle a été influencée !