La nuit au musée

La nuit au musée

Feutre sur papier, 19 x 19 cm

  Dans la nuit au musée naissaient de surprenants théâtres. Les images s’animaient et les corps devenaient vivants dans de charmants bruissements de fête. Les chairs n’étaient prises que dans de légers glacis et les personnages s’épanouissaient librement en passant d’un espace à l’autre. Le monde leur appartenaient dans des palais ou des paysages pleins d’ombres et de forêts. Les vernis et les cadres sont des barrières dérisoires que les femmes et les hommes pouvaient franchir. A l’abri des regards, ils se faisaient signe de venir ou se saluaient avec courtoisie dans de merveilleux enchantements. Ici, des princes doux comme des chairs d’enfants et des esclaves noirs se souriaient avec des étincelles aux lèvres. Les désirs ne faisaient que circuler mais un soir, une jeune femme amoureuse et désespérée allait rompre le grand secret et quitter les images. Deux femmes aimaient le même homme et étaient devenues rivales. Il valait mieux commencer une autre vie. Une princesse allait fuir sa passion et avait trouvé la possibilité de s’échapper. Des larmes tristes glissaient sur ses joues. Elle avait rejeté ses habits puis s’était éloignée dans la nuit bleue et sombre. C’était une nouvelle naissance. Sa conscience enivrée oubliait déjà la magie de son passé mais elle ne connaissait pas le monde réel. Elle quittait des fêtes éternelles et les portes en s’ouvrant lui offraient un autre monde. Un monde qui s’écroulait sous le poids du temps. Elle s’était retirée sous des énormes voûtes et son regard scrutait la ville qui l’entourait. Il y avait des rangées de maisons, des rues étroites qui se déployaient vers un fleuve et une petite place avec un orchestre dont les sons lui parvenaient. L’air restait doux et chaud comme une étreinte. Elle souriait, elle s’était enfuie et elle ne savait déjà plus comment. Et puis, elle s’en était allée dans les rues obscures et glissantes, comme une bête légère. Elle ne cessait de marcher, elle parcourait les rues et dans son cœur, elle rêvait maintenant d’un immense amour. Il faut vivre et la vie est une délicieuse agonie. Sur la place, des musiciens jouaient sur d’étranges instruments et des masques de mort étaient accrochés au-dessus de vieilles lanternes. Des hommes lui emboîtaient le pas.

  — Bonsoir Mademoiselle !

Ce monde est sans doute un monde d’amour et la femme leur tendait ses bras. Elle sera heureuse parmi les hommes. O adorable étrangère, nue dans la candeur et dans la grâce… Elle avait posé sa main en sueur sur son front.

  —Oui, murmura-t-elle dans un souffle… Leurs gueules étaient ouvertes avec d’horribles dents. Ils n’aboyaient pas mais leurs paroles étaient obscènes. Elle avait fermé les yeux, elle avait donné ses lèvres et s’offrait sans mystère. Puis le rêve était fini, dans le ciel, la lune était moins haute et la femme frissonnait et retenait ses larmes. Elle allait disparaître corps et âme, réduite à son état d’origine : un rouge magenta, un blanc de titane, un jaune primaire et un peu de bleu outremer.

  Plus tard, un visiteur attentif se rendait compte qu’il manquait un personnage dans le fameux tableau d’un peintre italien…Un mystère s’était installé dans l’art.