Un prince et son cheval
Feutre et acrylique sur papier, 100 x 70 cm
Un château très ancien était coiffée d’une grosse lune blanche qui dominait tout le ciel. L’immense bâtisse s’élevait au bord d’une falaise sur une île recouverte d’une immense étendue de forêts et de marécages. Cette nuit, le bruit funèbre d’une cloche accompagnait les hurlements des chiens. Des barbares enfonçaient la muraille. Le viol, les crimes et les destructions étaient leurs méthodes. Le jeune prince n’avait jamais voulu quitter sa terre et il se plaisait dans son isolement. Depuis la mort de ses parents, pour se distraire de sa tristesse, il était devenu l’unique spectateur de la formidable collection de nus héritée de son père et il ne parvenait pas à échapper à sa vie contemplative. Mais cette nuit, la poussée féroce des mouvements du monde faisait craquer les murs et notre prince était bien incapable de faire face à la violence levée comme une marée de haine. Dans leurs cadres dorés, les femmes étaient belles et radieuses mais le mal et le laid allaient envahir la grande galerie du vaste salon. Les œuvres ne pouvaient pas échapper au fanatisme, les toiles allaient être lacérées et brûlées et le prince serait soumis aux sévices de ces hommes à la brutalité primitive. Témoin silencieux et noble, le petit cheval à bascule du jeune prince semblait absorbé par la contemplation du clair de lune mais les animaux savent agir instinctivement. De manière inattendue, le cheval parcouru par un grand mouvement de colère avait quitté sa fonction servile pour empêcher les dommages qui risquaient d’être causés. Il n’était plus un jouet d’enfant, il devenait de chair et de sang, il se cabrait magnifiquement et frappait avec la violence de ses ruades, ces barbares qu’il exécrait. Le jouet inoffensif était devenu une bête furieuse qui faisait trembler tous les brigands. Puis le jeune prince enfourcha sa monture pour une envolée céleste, loin de la terre et des batailles en s’éloignant des hommes et de leur monde monstrueux. Sous la lumière de la lune qui éblouissait, les esprits du garçon et du cheval chavirèrent et pendant qu’ils jouaient de leurs langues, le prince glissa ses doigts dans le pelage de velours qui était d’une douceur charmante.