Tempête

Tempête

Feutre et acrylique sur papier, 15 x 15 cm

Le marin nous avait embarqué pour la haute mer. Il nous avait promis la plus grande tempête du monde. C’était une forme particulière de désir. Le marin aimait le vent. Il était doux et gracieux comme un prince vêtu de lumière et il me regardait souvent. Il nous chantait de jolis vers tout plein d’infinis. Avec ses mains adroites, le marin assurait seul la direction de la goélette. Il n’avait pas l’air d’un touriste et la femme qui l’avait nourri de son lait pouvait être fière de lui. Nous avons fait notre long voyage et nous approchions des étoiles et des abîmes profonds. De grands nuages funèbres s’amassaient dans le ciel. Soudain, les vagues s’enflèrent brutalement. Elles devenaient bruyantes comme un énorme sanglot. Cela paraissait être un avertissement et nous avons roulé les voiles pour limiter la prise au vent. Une première énorme vague se brisa sur le pont et nous nous sommes regroupés sur la partie la plus élevée du navire en nous serrant les uns contre les autres. Nous poussions des cris d’effroi. La mer se creusait. La goélette s’envolait dans des craquements terribles et je confiais mes inquiétudes à mon journal de bord. Des torrents d’eau glacée nous submergeaient. L’air et l’eau se mêlaient et nous avancions dans un gouffre monstrueux. Les bordages étaient arrachés et des mats se sont fracassés. Nous étions dans un autre monde. Des vagues vertes et mauves étaient ourlées d’une écume écœurante. Nous croisions des oiseaux enragés et rapides. Il y avait aussi des poissons volants phosphorescents et toutes sortes d’animaux marins terrifiants. Les méduses apparaissaient au dessus de nos têtes comme des lustres enflammés et dans l’espace noir du ciel, les cloches de détresse sonnaient déjà pour les disparus. Un trop grand amour de la mer allait détruire nos vies et ma marinière était toute déchirée. A l’instant du naufrage, j’étais comme Virginie, je paraissais être «un ange qui prend son vol vers les cieux.» La tempête redoublait d’intensité et nous allions tous être condamnés à être oubliés. Puis, tout s’arrêta…Sur le gaillard arrière, adossé au mat de pavillon, le gracieux marin avait apaisé les flots en déclamant un poème.