L’attentat du Majestic

 

L’attentat du Majestic

Feutre et acrylique sur papier, 30 x 30cm

Dans les nuits profondes et les rues noires, tu déclames des vers magnifiques qui sont des orages de colère et de désespoir. Rien ne semble t’arrêter. Abreuve ta soif, te voilà en route pour une cible déterminée. Tu envisages une action violente dans un établissement réputé. Tu es un amateur un peu particulier de palaces et tu vas couper la tête du directeur d’un hôtel de grande classe. Ce qui décide de tout, c’est une sorte d’embrasement et cela doit s’affirmer violemment. Tu es devenu une grande terreur, un esprit possédé et de ta gorge montent les poèmes qui s’enivrent de ta future renommée. Dans ce paradis touristique tu as bien préparé ce voyage dont on revient avec difficulté. Te voilà maintenant à la réception d’une adresse de légende. L’accueil est parfait, attentif et attentionné. Tu exploses aussitôt le grand aquarium qui fait la fierté de ce palace au décor soigné. A présent, les poissons gigotent dans un espace plus aéré. Le concierge aux Clefs d’Or va subir une mort cruelle. Tu le tires par les pieds vers un vaste canapé aux lignes épurées. Tu lui permets quelques larmes puis l’employé fidèle sera lentement égorgé. Tu coupes droit sous le menton et tu sens ton sexe gonfler. Tu égorges aussi les petits grooms de l’hôtel qui se partagent l’accueil de la clientèle. Ensuite, sans te presser (c’est ta journée portes ouvertes), tu visites la belle construction. Tu croises une vieille qui ressemble à de la viande à moitié cuite, tu lui arraches la robe et tes doigts palpent d’affreux tétons. C’est en hurlant que tu la décapites. Son vieux compagnon à la face de lune n’a plus la maîtrise de ses nerfs mais tu vas raccourcir l’affreux sélénite. Les têtes un peu barbouillées roulent doucement sur le plancher. Au premier étage, tu égorges un jeune homme maniéré qui ne se séparait jamais de ses vieux parents adorés. Ils sont peinturlurés de vermillon et ils sanglotent sous leur badigeon. Plus loin, tu sabres le fessier d’une femme coiffée de plumes, ce sont les plaisirs de la cruauté. Les femmes vivent dans un corps aguicheur et elles sont trop légèrement habillées. C’est en connaisseur que tu lui découpes le postérieur. Tu égorges également une jeune employée du prestigieux établissement. Elle s’accroche à de grands rideaux dorés mais tu mutiles le corps qui résiste avec des sursauts insensés. De l’autre côté de l’étage, tu plantes ta lame dans des cœurs d’enfants sages. L’établissement est rempli de corps tailladés et ta cruauté est une mâchoire de loup affamé. Une sorte de colique de sang inonde tout le bâtiment. Tu éprouves une grande joie, une grande fierté et tu ouvres une fenêtre pour respirer. Tu contemples la ville tout entière avec ses remparts et ses forteresses. Un panorama à ne pas manquer. Le point de vue est incroyable sur la mer du Sud et ses sillons mouillés. Un grand paquebot blanc entre dans le port, majestueusement. Je sais que ton effort a été rude mais il faut maintenant s’occuper du grand patron dans son repaire de solitude. Tu grimpes un étage et tu sens enfler ton sexe adoré. Ta verge t’éclabousse mais tu vas regretter maintenant de t’être autant emballé. Un autre comme toi a pris l’escalier de service et vous êtes face à face, l’œil éberlué… Et voilà encore un autre qui débarque dans le magnifique bureau ! Mais ça fait bien longtemps que le grand patron a détallé ! Oh, le trio ! Vous entendez déjà les sirènes ! Vos esprits sont un peu étourdis. Vous avez suivi les mauvais chemins et vous vous êtes égarés. Vous avez fait un mauvais usage de votre liberté. Il faut éviter les moments de passions trop intenses et surtout celles qui sont dangereuses pour autrui. Vous avez causé tant de désordres dans un établissement réputé. Vous vous êtes engagés dans de mauvais choix qui ont renforcés votre égarement. Vous pouvez y remédier en devenant moins illuminés. Vous allez à présent devenir des hommes d’intérieur qui vont éclairer leur esprit par de bien meilleures idées. C’est ce qu’il faut espérer.

Plus que jamais, peintres et poètes d’aujourd’hui, nous devons soumettre nos créations artistiques à des attentes morales.