Une fille facile

Pastel sur carton, 70 x 50 cm

Dans le silence de la nuit, tu consultes la guirlande d’or des étoiles du ciel. Il est écrit que tu feras connaissance d’une fille aux formes lourdes et sensuelles. La fille ne sera pas très sûre d’elle-même. Ce sera assurément la fille la plus résignée et docile dans l’histoire de ta vie.

UNE FILLE FACILE

Le dimanche suivant à la fin de l’après-midi, tu aperçois une belle fille solitaire qui déambule dans le parc municipal d’une petite ville rongée par l’ennui. C’est elle, la fille aux formes superbes ! Tu arraches des vraies tulipes qui avaient été plantées au milieu du parc et c’est un immense bouquet que tu lui tends. Elle est timide et ses yeux sont baissés. Ils fuient les tiens. Alors tu regardes respirer sa forte poitrine. Les deux seins sont entièrement dans ton regard. Ils sont brillants et bien tendus. Pour une fois, tu es tiré à quatre épingles. Tu portes un costume de velours noir et la fille semble impressionnée. Elle se tortille les cheveux derrière l’oreille. Tu lui expliques que tu es un poète sombre de l’après-guerre, un homme fatal mais aussi un cheval blessé et tu lui révèles ton signe zodiacal. La robe de la fille est légèrement déboutonnée et tu flottes dans le vertige. Propose-lui d’aller manger une pizza et voilà qu’elle te suit docilement comme une somnambule tirée par un hameçon. Juste à côté, serrée entre une supérette et une agence de voyages, il y a la pizzeria « Quattro » qui doit son nom aux quatre étages qu’elle occupe. Le dernier étage domine de sa hauteur la canopée du parc et offre une vue exceptionnelle. Tu invites la fille à te précéder dans la montée de l’escalier. Devant tes yeux tu as le remous de ses fesses épaisses et tu la chevauches déjà dans un rêve turbulent. Vous atteignez le dernier niveau et tu es vraiment essoufflé. La salle est déserte. La fille s’installe en face de toi, le dos à la fenêtre. La nuit obscurcit déjà le feuillage des arbres et il s’agite comme une frémissante chevelure vert foncé. Mais voici le serveur qui s’affaire et vous remet les cartes. Il s’évertue à allumer une bougie engloutie dans sa propre cire à l’intérieur d’une lanterne. Tu proposes à la fille de choisir ce qu’elle veut puis tu prends l’offensive et tu lui caresses le bras. Sa peau est glacée malgré une température assez douce. Derrière la flamme de la bougie, un sourire d’enfant perdu erre sur ses lèvres et tu aperçois des gerçures. Elle commande une pizza Hawaïenne et une salade verte. Tu choisis la Royale avec un vin de Corse. La fille ne dit rien. Elle est une maison vide au fond d’une forêt. Mais voilà les pizzas qui sont cuites au feu de bois. Elles sont savoureuses et la décoration murale de la salle du dernier étage est un voyage dans le monde méditerranéen et son antiquité. Avec les couleurs de l’Italie, un artiste avait peint les principaux monuments pour vous rappeler votre héritage grec et romain si important pour l’histoire du monde. De ta voix tendre, tu racontes tes voyages dans ces régions au doux climat. La fille est attentive. Elle semble aimer t’écouter et tu rayonnes au point d’en être ému. Tu veux plaire à l’infini. Ta maîtrise de la situation va encore s’affirmer puisqu’à la fin du repas, la fille accepte que tu l’accompagnes jusque chez elle. Elle occupe une chambre dans un quartier proche. Vous quittez le restaurant et vous retrouvez le parc. Les grands arbres sont éclairés par les lueurs si pâles de la lune. Tu tiens la fille par le cou. Elle ferme les yeux et tu l’embrasses. Les rapports sont souvent bien ajustés entre les états d’âme, la nature et le paysage. Dans ce parc enchanté, tu lui caresses les fesses. Leurs formes rebondies agissent sur ton impatience et tu plonges ta main sous la robe. Tu tâtes et tu retâtes. La fille ne semble plus tenir et vous quittez le parc. On entend des notes de musique. Vous marchez vivement. La petite ville semble presque dépeuplée mais tu es peu soucieux des rares promeneurs que vous croisez. Les femmes sont faites de chair. Elles se lavent le visage et le corps. Elles attendent comme des bêtes dans leur litière et vous longez les maisons de la ville où des hommes fidèles à leur mission vivent avec des femmes admirables qui ne se détournent jamais de leur vocation. Vous marchez de plus en plus vite. Tu vas bientôt entendre la fille gémir et ses seins vont se balancer comme des cloches. Après une place déserte, vous atteignez une ruelle étroite toute en pente et toute grise. C’est ici. Il était temps parce que voilà qu’il pleut. Tu t’abrites sous le linteau de porte décoré d’une tête de lion. La fille cherche ses clefs…

— Au fait, tu t’appelles comment ?

La fille ne répond pas tout de suite. Il te semble qu’elle devient une grande fleur pleine de venin.

—Je m’appelle Violaine.

—Ah, c’est joli !

—Non ! NON ! À l’intérieur de moi, il y a VIOL, il y a HAINE … Allez, dégage !  DÉ-GA-GE !

Tu sens le brûlement des larmes qui se rassemblent doucement au bord de tes paupières.

Ô Violaine, Ombrageuse et très Obscure Violaine !