La Vierge à l’Enfant.
Acrylique sur carton, 86 x 68 cm
L’hiver s’annonçait froid.
J’avais pris une chambre au-dessus d’un café-restaurant situé au bout d’un vilain petit village. Je vivais avec mes économies et je me perdais entre les champs de betteraves et les prairies fangeuses. Il fallait choisir un lieu qui favorise une forme d’isolement, je voulais vivre une jeunesse qui n’avait aucun sens. Vivre à la dérobée du monde me plaisait mais les fins d’après-midi, lorsque le bâtiment s’enveloppait d’obscurité et que tout sentait la terre humide, j’étais vague et je croupissais d’ennui. Les journées passaient comme ça, j’attendais la nuit.
Un jour, faisant un gros effort pour justifier mon existence, j’avais essayé de recoudre un bouton mais je me suis piqué avec l’aiguille. Je me suis levé en secouant mon doigt et à travers les carreaux sales de la fenêtre, je regardais la rivière et les grands peupliers dénudés. J’ai préparé un carton avec quelques tubes de gouache. Je voulais peindre le paysage avec la rivière et les grands arbres. J’étais sur le pas de la porte lorsque une pluie froide s’est mise à tomber et j’ai choisi de prendre la direction du village. Je marchais sur les pavés glissants, les yeux baissés en regardant mes chaussures. C’était un village éteint avec des maisons hideuses et sur une place sombre, il y avait l’église recouverte de suie noire. La porte de l’église était ouverte et je me suis glissé à l’intérieur de cette grosse masse laide pour m’abriter de la pluie. Je pensais me sentir écrasé comme lorsque l’on pénètre dans une prison mais ce fut un embrasement de douceur. C’était la première fois que je voyais une lumière aussi douce et merveilleuse, comme une aurore qui saisissait tout l’espace avec une couleur de mirabelle. Je marchais jusqu’au second pilier dans un léger vertige. J’avais été comme un cierge éteint mais cette plénitude avait réveillé l’ange endormi. Il y avait devant moi une sculpture en bois polychrome que j’admirais. Elle représentait la Vierge avec un manteau à grands plis. Elle était sensuelle et tenait l’Enfant Jésus sur ses genoux. Il avait une figure charmante avec des cheveux délicatement bouclés. Je voyais qu’il avait confiance en lui. La grâce et le caractère font la beauté et l’œuvre était d’une grande finesse d’exécution. Je voulais essayer de la copier. Je me suis mis à l’ouvrage dans le silence et la joie. On cherche l’explication du monde ou on rêve d’un monde promis.
Dehors, sur la place de l’église, il y avait trois grands arbres aux troncs noirs et un chien qui pissait.