Un port minuscule

 

Un port minuscule

Acrylique et pastel sur panneau bois, 301 x 220 cm

 

Un tableau de grande taille et une histoire destinée à TOUS LES PUBLICS.

Il existe un lac immense en Europe avec un archipel d’îlots qui semblent avoir été lancés à la surface de l’eau. Sur ces terres imprécises et oubliées, Bechtold bâtissait obstinément un port minuscule. Il était une sorte de forçat condamné par lui même mais il croyait à la nécessité de ce projet. Le port était beaucoup plus petit que port Racine dans le Cotentin. Le port de Bechtold abritait des bateaux miniatures fabriqués avec du bois et de la ferraille mais il utilisait aussi des matériaux de récupération. C’était des petits voiliers, des goélettes et des cotres à hunier avec leurs différents gréements, leurs cordages et leurs drisses de grand voile. Certains bateaux étaient même motorisés. Il avait également construit un phare de quelques mètres de hauteur avec un puissant foyer lumineux. Un peu à l’arrière, il aménageait une ville portuaire avec des ruelles pavées et des maisons maçonnées qui lui arrivaient au nombril. Il créait une œuvre urbanistique à échelle réduite. Il avait aussi construit un réservoir où circulait de l’eau qui arrivait sous pression pour entraîner la rotation d’une turbine combinée à un générateur. Un courant alternatif était produit pour alimenter l’éclairage du phare et de la petite ville. La nuit devenait une fête un peu triste et tout était si étrange dans cette ville lumineuse et déshumanisée. Bechtold était un solitaire, il bâtissait un monde figé et seuls quelques bateaux bougeaient dans un mystérieux va et vient. Ils cherchaient la voie du rêve et de la liberté.

Dans ce qui ressemblait à un centre historique, entre le musée de la Marine et le jardin botanique en préparation, le bâtisseur avait aménagé une rue emblématique bordée de cafés, de restaurants et d’hôtels évidement inaccessibles. La rue ombragée dans sa partie centrale était jalonnée de kiosques à musique et de parterres de fleurs. A la fin de l’avenue se dressait la sculpture d’une sirène belle comme un froid diamant. Elle était destinée à éblouir les marins retenus trop longtemps aux confins du grand lac. Juste en face de la sculpture, la terrasse du « café de la sirène » devait accueillir les hommes en marinières mais les marins ne venaient jamais dans ce monde miniature et chloroformé parce que dans ce monde l’homme était renié. Un jour et c’était une belle journée, Bechtold qui était toujours occupé à bâtir entendit un bruit comme celui d’une abeille bourdonnante mais c’était un bruit de moteur sur le lac. Il leva la tête et considéra fixement une motomarine qui traversait la vaste étendue d’eau et se dirigeait vers son île. Elle contourna lentement le port de Bechtold et l’embarcation pénétra dans une crique située juste après le quai. Une jeune femme pilotait l’embarcation et derrière elle, une huissière de la confédération des îles se tenait très droite et portait un bicorne sur la tête. Le paisible bonheur allait disparaître. Les deux jeunes femmes étaient venues fermer les yeux du désir et du rêve. Un peu plus tard l’huissière remis à Bechtold un document signalant que l’ordre lui était donné de détruire son décor portuaire parce que l’administration était indignée qu’une telle construction ait pu voir le jour.

Pendant un moment Bechtold demeura silencieux, puis il gémit. Il était comme un voilier abandonné et étranglé par ses cordages. Comment pouvait-il supporter cette décision, qu’allait-il faire, allait-il mourir, hurler ?

Je laisse le soin à mon lecteur d’imaginer la suite de cette histoire particulière.