LA POUPÉE, au public : Un frisson de bonheur me transporte, je vais m’entretenir avec un peintre inconnu et obscur.
LA POUPÉE, s’adressant au peintre : Bonsoir, Monsieur le peintre !
LE PEINTRE : Je suis également poète, Madame et je ne suis point un sombre guignol, je suis un poète émerveillé et un peintre pittoresque…
LA POUPÉE : Bien sûr, mais êtes-vous comme le vieux Frenhofer de Balzac « encore plus poète que peintre » et votre art va – t – il « se perdre dans les cieux » et plus précisément dans le « bleu du ciel » que vous évoquez dans vos textes ?
LE PEINTRE : Non… euh… oui… enfin, je mêle peintures et textes pour activer l’intensité artistique de mes créations.
LA POUPÉE : Pour « ouvrir les portes du ciel » ?
LE PEINTRE : Euh… non… c’est une alchimie, une sorte de stratégie devant laquelle je m’agenouille puisqu’il s’agit de dépasser la limitation de la peinture transcendée par le dire poétique.
LA POUPÉE : S’agit-il de camoufler le peintre besogneux qui se rêve poète ?
LE PEINTRE : Euh… non.
LA POUPÉE : Mais Monsieur, la peinture a toujours été liée à l’écriture, ce lien étroit existait déjà dans l’espace pictural en Egypte antique, puis avec l’enluminure au Moyen Age, à la Renaissance, du poète grec Simmias de Rhodes jusqu’au graphisme sauvage de Basquiat ou dans les calligrammes d’Apollinaire, chez Alechinsky, dans le « double monde » de Picabia, chez Tombly…
LE PEINTRE, agacé : je ne prétends pas avoir inventé quelque chose mais mes textes sont plus longs… et ils peuvent être recopiés soigneusement sur les murs à côté des tableaux, nous sommes donc loin des graffitis barbares d’un Basquiat avec qui j’aurai forcément évité toute collaboration…
LA POUPÉE, au public : Quel con !
LA POUPÉE, au peintre : Bien sûr Monsieur… sinon au point de vue iconographique, la présence des marins dans votre œuvre est particulièrement récurrente ?
LE PEINTRE : Bon… je vois où vous voulez en venir, mais Madame, j’aime les marins parce qu’ils sentent le frais contrairement à d’autres personnages de mon œuvre qui puent l’acide urique !
LA POUPÉE : Bien… merci Monsieur le peintre.
LE PEINTRE : Soufflez moi dans le dos et je vais m’envoler comme un oiseau.
RIDEAU
Parce que l’oiseau vit dans un monde sans mesure. Il plane par-delà les obstacles et au-dessus de tous les obstacles.